Magnificat Janvier 2023

Magnificat Vol. LVIII, No 1 15 tion par laquelle Gabélus s’engageait à les lui rendre. Cependant, Salmanazar mourut. Son fils, Sennachérib, héritier de sa couronne, ne le fut pas de sa douceur pour les Hébreux; il les détestait. Dans sa haine, il en fit périr une grande multitude, avec ordre de laisser leurs corps sans sépulture. Cette disposition du roi devint pour Tobie un nouveau motif de redoubler ses attentions. Tous les jours, il visitait les exilés, les consolait de son mieux, donnait du pain à ceux qui avaient faim et des habits à ceux qui étaient nus. Il ne craignait pas même de dérober les cadavres de ses compatriotes suppliciés, pour leur donner la sépulture pendant la nuit. Tobie connaissait les ordres du sanguinaire despote et savait quel risque il courait, mais rien ne put ébranler son pieux courage et il continua d’enterrer les corps de ceux qu’on égorgeait. Sennachérib ne tarda pas à en être instruit: Tobie fut condamné à mort et tous ses biens confisqués. Heureusement, le saint homme parvint à s’enfuir et à se cacher avec son épouse et son fils. Son cruel persécuteur mourut bientôt, tué dans une sédition. Tobie revint à Ninive et reçut du nouveau roi ses biens confisqués et sa liberté première. Aussitôt ses libéralités recommencèrent. Plus de cinquante ans d’une vie de bonnes œuvres et de vertu demandaient, ce semble, des récompenses, mais les vues du Seigneur sur Ses Saints sont bien différentes de celles des hommes. Après mille épreuves, généreusement soutenues, au lieu des faveurs que nous attendons pour eux, Il leur destine de nouveaux combats qui enrichissent leur couronne en perfectionnant leur vertu. Tobie avait été frappé dans ses biens et dans sa liberté, il ne l’avait pas été dans sa personne; il lui fallait ce dernier trait de ressemblance avec les anciens patriarches dont il était l’imitateur. Une grande épreuve Une nuit, le vénérable vieillard avait enseveli le cadavre d’un pauvre Israélite assassiné. Épuisé par sa charitable besogne, il s’étendit au pied d’une muraille et s’endormit, le visage découvert. Pendant son sommeil, des fientes lui tombèrent d’un nid d’hirondelles sur les yeux. Une taie blanche ne tarda pas à se développer, si bien que, malgré tout l’art des médecins, Tobie perdit complètement la vue. Dieu permit cette infortune, comme Il avait permis les épreuves du saint homme Job, afin de donner aux âges futurs un grand exemple de patience; car dans cette nouvelle affliction, Tobie ne s’emporta point contre le Seigneur. Au contraire, inébranlable dans sa foi pleine de respect, il Lui rendit grâces comme aux jours de sa prospérité. Aveugle, appauvri par ses aumônes excessives, il entendait souvent ses proches le railler, comme autrefois les amis de Job: «Vous voilà bien récompensé, lui disaient-ils, de vos prodigalités et du zèle que vous mettiez à enterrer les morts!» Mais il se contentait de leur répondre: «Nous sommes les enfants des Saints et nous attendons cette vie meilleure que Dieu doit donner à ceux qui L’auront servi avec une inébranlable fidélité.» Il n’y avait pas jusqu’à son épouse qui ne lui adressait d’amers reproches. À l’exemple de Job, soumis à la même épreuve, Tobie s’adressa en pleurant au Dieu de toute consolation: «Vous êtes juste, Seigneur, et tous Vos jugements sont pleins d’équité… Oui, c’est avec justice que nous subissons ces châtiments, nous, les violateurs de Votre Loi sainte. Faites donc de moi ce qu’il Vous plaira, et que mon âme s’envole bien vite au séjour de la paix, car il vaut mieux pour moi mourir que de continuer ici-bas ma triste vie.» Dernières recommandations Ayant donc demandé au Seigneur de l’enlever de ce monde, Tobie ne pensa plus qu’à mettre ordre à ses affaires. Il appela son fils pour lui faire ses dernières recommandations. «Mon fils, lui dit-il, écoute mes paroles et grave-les dans ton cœur. Quand Dieu aura reçu mon âme, tu prendras soin de ma sépulture.

RkJQdWJsaXNoZXIy MTM4MjU1NQ==