Magnificat Mai 2021

du 15 janvier, quand l’abbé Guérin entonne le cantique de Saint-Brieuc, Mère de l’Espérance, qui termine habituellement les prières, il se retrouve seul à chanter. «On a beau prier, gémissent ses paroissiens, le bon Dieu ne nous écoute pas!» Sur ses instances, ils consentent finalement à l’accompagner de leurs voix, mais c’est en pleurant… Pourtant, la délivrance est proche. Le soir du 17 janvier est particulièrement froid; le ciel pur est constellé d’étoiles qui scintillent d’un éclat singulier. Dans la grange appartenant aux Barbedette, le père et ses deux fils, Eugène (12 ans) et Joseph (10 ans), travaillent à piler des ajoncs, qui serviront de nourriture aux animaux. Là-dessus – il est à peu près cinq heures et demie – Jeannette Détais, qui ensevelit le monde mort, rentre tout heureuse au village: enfin, elle a des nouvelles des soldats de Pontmain, et d’assez bonnes nouvelles en plus! Voyant la lumière dans la grange Barbedette, elle décide d’y entrer, car le grand frère, Auguste, sert à l’armée. Le travail est donc interrompu. Qu’est-ce qui pouvait bien pousser Eugène à s’éloigner à cet instant précis, lui qui s’inquiétait tant d’Auguste, son parrain? «Je voulais voir le temps11», dira-t-il plus tard. Au lieu du «temps», c’est une vision du Ciel qui se présente à ses yeux. À une cinquantaine de mètres en face de la grange, au-dessus de la maison d’Augustin Guidecoq, une belle Dame Se tient dans les airs, souriant doucement à l’enfant extasié. Pendant trois heures, Elle restera là, ravissant le cœur d’Eugène, de Joseph, puis de deux petites filles: Françoise Richer (11 ans) et Jeanne-Marie Lebossé (9 ans). 11. Des aurores boréales, phénomène rarissime à cette latitude, avaient illuminé le ciel quelques jours auparavant. Vivement impressionné, Eugène espérait revoir un tel spectacle. Il vit plus et mieux! touchantes remplissaient la nuit étoilée, l’Immaculée Vierge, pour témoigner Son bonheur d’être saluée Notre-Dame d’Espérance, éleva doucement à la hauteur des épaules les mains qu’Elle avait tenues abaissées jusque-là. Puis agitant Ses doigts avec une grâce inouïe comme quelqu’un qui toucherait un piano, Elle regardait les enfants avec un sourire plus lumineux et plus ouvert que jamais. «Voilà qu’Elle rit! voilà qu’Elle rit!» s’écriaient ceux-ci avec véhémence. Et les petits sautaient et battaient des mains, répétant avec une expression qu’aucune langue ne saurait rendre ici-bas: «Oh! qu’Elle est belle! Oh! qu’Elle est belle! À Li, à Li; si j’avais des ailes, j’irais à Li (à Elle)...» L’assistance entière priait, riait, pleurait de joie. Ce fut un moment unique dans ce drame divin. «Avez-vous entendu parler du Vœu que nous avons fait à Notre-Dame d’Espérance le 17 janvier? écrivait l’humble apôtre de Marie, peu de temps après ces événements. Ce jour-là même, peu après l’approbation et la souscription de Monseigneur, la Sainte Vierge est apparue dans le diocèse de Laval et Elle a souri. Elle a élevé les mains en signe de prière et de protection pendant qu’on chantait devant Elle Mère de l’Espérance, le cantique que j’ai composé en 1848, en fondant notre Union de prières, et qu’on chante maintenant partout. N’est-ce pas un motif de L’aimer de plus en plus et de nous dévouer à Son culte et à Son œuvre? PriezLa pour votre bien dévoué serviteur et père en Notre-Seigneur. P. Prudhomme, ch.» Dès le mois d’octobre 1871, il se rendit en pèlerinage à Pontmain, interrogea les voyants, le curé, les religieuses, qui lui confirmèrent les merveilleuses coïncidences que nous avons racontées plus haut, et eut la joie d’avoir pour servants de messe Eugène et Joseph Barbedette. Jusqu’à sa mort, survenue le 1er février 1882, il vécut de ce souvenir, et il n’en parlait jamais sans une vive émotion. Magnificat Vol. LVI, No 5 127

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