Magnificat Mai 2021

Magnificat Vol. LVI, No 5 121 d’un cloître, d’une paroisse inconnue. Mais trop peu, trop peu pour désarmer le bras de Dieu. - Le châtiment - Le 18 juillet 1870, quarante ans jour pour jour après l’apparition de la Sainte Vierge à Catherine Labouré, les relations diplomatiques entre la France et la Prusse s’envenimaient dangereusement. Le lendemain 19, Napoléon III, empereur des Français, signait la déclaration de guerre. Ce ne furent, dans tout le pays, que manifestations d’enthousiasme et scènes de délire: tous croyaient à une victoire rapide et éclatante. «À Berlin, à Berlin!» criait-on de toutes parts. Hélas! les rêves de triomphe firent bientôt place au cauchemar. «Les générations postérieures, écrivait un vénérable religieux, ne peuvent se faire une idée de cette étrange période de notre histoire, de cette campagne commencée avec tant d’enthousiasme et tant d’illusions et se poursuivant, malgré les talents incontestables de nos généraux, malgré la valeur et les qualités exceptionnelles de nos troupes, par une série implacable de revers et de catastrophes, où la raison humaine ne savait voir qu’une sombre fatalité, mais où l’on sentait le châtiment surnaturel d’un peuple pour l’abandon de la dignité et des obligations de sa mission providentielle.»5 Confusion dans les ordres, maladie dans les camps, marches et contremarches indécises, intempéries prodigieuses6… Tous les éléments sont réunis pour assurer non la victoire, mais une cuisante et humiliante défaite. De fait, inférieure en hommes comme en armes, insuffisamment organisée, l’armée française enregistre un nombre impressionnant de revers. Les villes tombent les unes après les autres sous la puissante artillerie prussienne: Strasbourg, Metz, Rouen, Verdun, Orléans. Au soir du 2 septembre, le pays apprend avec épouvante que Napoléon III est fait prisonnier à Sedan avec plus de 80 000 hommes. Et déjà, 5. Dom Antoine du Bourg, prieur de la communauté bé‐ nédictine Sainte‐Marie de Paris. Voir la référence complète à la fin de l’article. 6. Voir l’encadré à la page suivante l’aigle allemand fond sur Paris et entreprend les travaux du siège. C’est, en quelques semaines, la déroute militaire, l’effondrement du Second Empire.7 Une terreur panique se répand parmi la population, qui tremble aux approches de l’impitoyable envahisseur. «Qui pourra arrêter la guerre qui fait tant de malheureux en France? demandait Mélanie de La Salette. Il faut que la France reconnaisse que cette guerre est purement de la main de Dieu…»8 - Cri de foi - Sous le coup des désastres nationaux, la foi d’un grand nombre se rallume enfin. Les écailles tombent des yeux; il se murmure que Dieu châtie la France. Un peu partout, confrontées au péril, à la crainte des Prussiens victorieux déferlant sur le pays, les populations, dans un retour sur elles-mêmes, promettent de changer de vie, de se réformer, de construire ou restaurer des sanctuaires si la guerre se détourne d’elles. C’est Tours, dont les pieux habitants, réunis près du tombeau de saint Martin ou dans l’oratoire de la Sainte Face, font inlassablement monter des prières vers le Très-Haut. C’est Lyon qui se place solennellement sous la protection deMarie (vœu du 8 octobre 1870), et promet de reconstruire le sanctuaire marial de Fourvière.9 C’est Paris, Paris affamée et bombardée, qui se presse dans ses plus vénérables églises: Saint-Sulpice, Sainte-Geneviève, Saint-Roch… Une prière circule, sans cesse reprise par les fidèles, et que l’on croirait écrite pour notre temps: 7. Deux jours après le désastre de Sedan, Léon Gambetta, alors simple député, déclarait la déchéance de l’empereur Na‐ poléon III et le retour de la République; c’est la fin du Second Empire. 8. Lettre à sa mère du 29 novembre 1870 9. La ville de Lyon, si attachée à la Madone de Fourvière et à juste titre, n’a pas été déçue dans sa confiance. Grâce à l’intercession de Marie, elle fut doublement protégée, de la Commune d’abord (ébauche de celle qui eut lieu à Paris, au printemps de 1871), puis des Prussiens, qui furent défaits à Dijon et épargnèrent la vallée de la Saône.

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