Cet article est aussi disponible en: English Español
Liturgie pour les Dimanches et Fêtes principales
Réflexion sur la Liturgie du jour – tiré de L’Année Liturgique, par Dom Prosper Guéranger
Le péché, quels que soient le coupable et la faute, est toujours faiblesse et folie. L’orgueil de l’ange rebelle ou de l’homme déchu aura beau faire: il n’empêchera pas que la flétrissure de ces deux mots ne s’attache, comme un stigmate humiliant, à la révolte contre Dieu, à l’oubli de Sa loi, à cet acte insensé de la créature qui, conviée à s’élever dans les régions sereines où réside son Auteur, s’échappe et fuit vers le néant, pour retomber plus bas même que ce néant d’où elle était sortie. Folie volontaire cependant, et faiblesse sans excuse; car si l’être créé ne possède de son fonds que ténèbres et misères, la bonté souveraine met à sa disposition par la grâce, qui ne manque jamais, la force et la lumière de Dieu.
Le dernier, le plus obscur pécheur ne saurait donc avoir de raisons pour justifier ses fautes; mais l’offense est plus injurieuse à Dieu, quand elle Lui vient d’une créature comblée de Ses dons et placée par Sa bonté plus haut que d’autres dans l’ordre des grâces. Qu’elles ne l’oublient pas ces âmes pour qui le Seigneur a, comme pour David, multiplié Ses magnificences. Conduites par les voies réservées de Son amour, elles auraient beau avoir atteint déjà les sommets de l’union divine; une vigilance sans fin peut seule garder quiconque n’a pas déposé le fardeau de la chair. Sur les montagnes comme dans les plaines et les vallées, toujours et partout, la chute est possible; et combien n’est-elle pas plus effrayante, quand le pied glisse sur ces pics élevés de la terre d’exil qui déjà confinent à la patrie et donnent entrée dans les puissances du Seigneur! Alors les précipices béants, que l’âme avait évités dans la montée, semblent tous l’appeler à la fois; elle roule d’abîme en abîme, effrayant quelquefois jusqu’aux méchants eux-mêmes par la violence des passions longtemps contenues qui l’entraînent.
Âme brisée, que l’orgueil de Satan va chercher à fixer dans la fange! Mais bien plutôt, du fond du gouffre où l’a jetée sa chute lamentable, qu’elle s’humilie, qu’elle pleure son crime; qu’elle ne craigne point de lever de nouveau ses yeux humides vers les hauteurs brillantes où naguère elle semblait faire partie déjà des phalanges bienheureuses. Sans plus tarder, qu’elle s’écrie comme David: «J’ai péché contre le Seigneur»; et comme à lui, il sera répondu: «Le Seigneur a pardonné ton péché, tu ne mourras pas»; et comme pour David, Dieu pourra faire encore en elle de grandes choses. David innocent avait paru la fidèle image du Christ, objet divin des complaisances de la terre et des cieux; David pécheur, mais pénitent, resta la très noble figure de l’Homme-Dieu chargé des crimes du monde, et portant sur Lui la miséricordieuse et juste vengeance de Son Père offensé.
Introït. Le Seigneur est la force de Son peuple, le protecteur qui opère des merveilles de salut en faveur de son Christ; sauvez Votre peuple, ô Seigneur, bénissez ceux qui sont Votre héritage, conduisez-les jusqu’à l’éternité. Psaume. Seigneur, je crierai vers Vous; ne gardez point le silence à mon égard, ô mon Dieu, de peur que, si Vous ne me répondez pas, je devienne semblable à ceux qui descendent au tombeau.
Collecte. Dieu des vertus, de qui viennent en entier les fruits excellents, semez l’amour de Votre Nom dans nos cœurs, faites croître en nous la religion, nourrissez les bons plants, et conservez par le zèle de la piété ce que Vous aurez nourri. Par Jésus-Christ notre Seigneur.
Épître
Lecture de l’Épître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Romains, Chap. VI.
Mes Frères, nous tous qui avons été baptisés dans le Christ Jésus, nous avons été baptisés dans Sa mort. Car nous avons été par le baptême ensevelis avec Lui pour mourir, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire de Son Père, nous marchions nous aussi dans une vie nouvelle. Si en effet nous avons été entés sur la ressemblance de Sa mort, nous serons aussi participants de Sa résurrection. Sachons bien que notre vieil homme a été crucifié avec Lui, pour que le corps du péché soit détruit et que nous ne soyons plus asservis au péché. Car celui qui est mort ne doit plus rien au péché. Or si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que de même nous vivrons aussi avec le Christ: sachant que le Christ ressuscité des morts ne meurt plus, que la mort n’aura plus sur Lui d’empire. Car mourant pour le péché, Il est mort une fois mais vivant maintenant, Il vit pour Dieu. Considérez-vous de même vous aussi comme morts au péché, et vivant pour Dieu dans le Christ Jésus notre Seigneur.
Graduel
Tournez-Vous quelque peu vers nous, Seigneur, et soyez propice à Vos serviteurs. Seigneur, Vous avez été notre refuge de générations en générations. Alléluia, alléluia. En Vous, Seigneur, j’ai mis mon espérance: que je ne sois pas confondu à jamais; délivrez-moi et sauvez-moi dans Votre justice; inclinez vers moi Votre oreille; hâtez-Vous de me délivrer. Alléluia.
Évangile
La suite du saint Évangile selon saint Marc, Chap. VIII.
En ce temps-là, une grande foule se trouvant avec Jésus, sans avoir de quoi manger, Il appela Ses disciples et leur dit: J’ai compassion de cette foule; car voilà déjà trois jours qu’ils demeurent avec Moi continuellement, et ils n’ont rien à manger. Si Je les renvoie à jeun dans leurs maisons, ils tomberont en défaillance sur le chemin; car quelques-uns sont venus de loin. Ses disciples Lui répondirent: Par quel moyen et qui pourra les rassasier de pain dans le désert? Sur Sa demande: Combien de pains avez-vous? ils Lui dirent: Sept. Alors Il fit asseoir la foule sur la terre. Puis prenant les sept pains et rendant grâces, Il les rompit et les donna, pour être distribués, à Ses disciples qui les servirent à la foule. Ils avaient aussi quelques petits poissons, qu’Il bénit de même et fit servir. Ils mangèrent donc et furent rassasiés, et l’on emporta sept corbeilles pleines des morceaux restés en plus. Or ceux qui mangèrent étaient environ quatre mille; et Il les renvoya.
Réflexion sur l’Évangile
Pour prétendre au festin sans pareil que vous offre le Sauveur, observez diligemment la condition qu’y met l’Évangile. «Ce n’est point aux désoeuvrés, dit saint Ambroise, aux grands du siècle, aux habitants des villes, qu’est distribué le céleste aliment, mais à ceux qui cherchent le Christ au milieu des déserts; ceux-là seuls qui ont faim sont reçus par le Christ à la participation du Verbe et du royaume de Dieu.» Plus leur faim est intense, plus elle est pure surtout et va directement à son divin objet, plus aussi le pain merveilleux confortera ces affamés de lumière et d’amour et les rassasiera délicieusement.
Toute la vérité, toute la bonté, toute la beauté que contient l’univers, ne saurait par soi satisfaire une seule âme; il y faut Dieu même; et tant que l’homme ne l’a point compris, ce que ses sens et sa raison peuvent lui fournir de bien et de vrai, loin de le nourrir, n’est le plus souvent qu’une distraction lamentable à son besoin pressant et un obstacle à la vraie vie. Voyez comme le Seigneur attend, pour agir en faveur de ceux qui Le suivent, que toutes leurs provisions humaines soient épuisées. Ils n’ont pas craint, pour rester avec Lui, d’affronter la pénurie du désert; leur foi, plus grande que celle de leurs frères restés dans les villes, les élève aussi plus haut dans l’ordre de Ses grâces; à cause de cela même, Il ne veut plus que rien en eux agisse concurremment avec le mets divin qu’Il prépare à leurs âmes.
«Le Seigneur nous appelle, disait l’ancien peuple sortant d’Égypte à la suite de Moïse; nous irons à trois journées de chemin dans le désert, pour y sacrifier au Seigneur notre Dieu.» Les disciples de Jésus-Christ, dans notre Évangile, L’ont de même suivi au désert; après trois jours, ils ont été nourris d’un pain miraculeux qui présageait la victime du grand Sacrifice figuré par celui d’Israël. Bientôt le présage et la figure vont faire place, sur l’autel qui est devant nous, à la plus sublime des réalités. Quittons la terre de servitude, où nous retenaient nos vices; l’appel miséricordieux du Seigneur est pour nous de chaque jour; établissons donc pour jamais nos âmes loin des frivolités mondaines, dans la retraite d’un profond recueillement. Prions le Seigneur, en chantant l’Offertoire, qu’Il daigne Lui-même affermir nos pas dans les sentiers de ce désert intérieur, où Il nous écoutera toujours favorablement et multipliera pour nous les merveilles de Sa grâce.